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Après sa chute à Papendal, Jeremy Rencurel se confie sur son futur


C’est l'un des pires ennemis de tout sportif, la blessure. Difficile à accepter, elle l’est encore plus dans une année olympique. Au dernier jour d’un stage collectif avec l’équipe de France, à Papendal, aux Pays-Bas. Jeremy Rencurel, quatrième mondial et participant aux Jeux olympiques de Rio en 2016, a chuté et s’est lourdement blessé, notamment au niveau de son aine. Entre douleurs, angoisses et prises de conscience suite à cette chute, le pilote de Lempdes BMX se confie sur les dessous, d’un des moments les plus marquants de sa carrière, en BMX.





Salut Jeremy, merci de nous accorder cet entretien. La première question est sans doute la plus basique au monde. Comment ça va ?


Ça va, doucement, je ne peux pas faire grand chose car j'ai une déchirure sur la paroi abdominale, vers l’aine. Dès que je fais la moindre chose, je dois me servir de mes abdos, et en l'occurrence je ne peux pas trop. C'est assez compliqué de faire quoi que ce soit. J'arrive tout de même à marcher doucement, mais la plupart du temps, je reste allongé toute la journée. Ce qui est cool, c'est que je suis rentré chez moi dimanche, le lendemain de l'opération, donc assez tôt.

Au vu de ce que tu as raconté sur les réseaux sociaux, tu as l’air d’avoir subi une chute très violente. Peux-tu nous expliquer comment elle s’est produite ?


On était à la dernière session d’une semaine de stage avec l’équipe de France sur la piste de Papendal, aux Pays-Bas. Une petite course avec les Hollandais était organisée et je m'échauffais sur la piste. Pour clôturer ce dernier, j’ai voulu faire une deuxième ligne droite en essayant d’aller assez vite. Tout se passe bien jusqu’à la deuxième bosse.

Au lieu de faire mon passage habituel, j’ai fait une erreur sur mon “manual”, et ma roue avant à taper contre la seconde bosse de cette deuxième ligne (qui est une triple en l'occurrence). J’ai ensuite freiné assez tôt, en pensant que j'allais pouvoir m'arrêter avant le saut du virage, à part que j'ai continué de glisser, jusqu’à me mettre en travers dans l'appel pour tenter de sauver tant bien que mal la situation, sauf que c'était déjà trop tard. J'ai tout de même décollé et j'ai perdu le contrôle.

Le problème, c’est que je suis resté les pieds accrochés aux pédales en l'air. À la réception, j'ai mis les 2 mains devant et je me suis plié en deux, c’est alors que mon guidon a perforé mon aine.



C'est sur ce saut de virage, à Papendal, que le pilote de Lempdes à chuter et s'est perforer l'aine lors d'une entraînement. Crédit : @uci


Peux-tu préciser où se trouve l’aine dans le corps humain ?


Ce n’est pas loin du psoas, entre la cuisse et le bassin, sous le pli que l’on a entre la cuisse et le ventre. Moi c’est sur le côté droit que je me suis blessé. Puis forcément ce n’est pas loin des parties génitales, ça fait flipper un peu !

Comment se déroulent les instants après ton accident ?


Je tombe et je me dis : “fais chier”. Avec l'adrénaline, je me relève, j'arrive à peine à marcher et je boite. Je sens que j'ai mal donc j’ouvre mon pantalon, et là je vois que j'ai un trou assez profond et un peu dégueulasse.

Je comprends tout de suite que c'est la merde. C’est alors qu’une fois dans la voiture pour aller vers l'hôpital, il m'est arrivé une chose inédite et que je ne souhaite à personne, j’ai fait une crise d'angoisse.

Quand j’ai vu qu’il fallait que je quitte la piste pour aller à l'hôpital, ça a commencé assez rapidement. Sur le trajet, on s’est trompé de route, nous n’étions pas en France, on s’est trompé d’entrée à l'hôpital, plusieurs facteurs ont fait que ça a commencé, et j’avais très mal. Donc c'est un tas de choses qui ont amplifié la situation et qui m’ont fait paniquer.

Je n’ai pas eu de compte-rendu ou d'avis là-dessus, mais je pense que c'est ça qui a fait ressortir un bout de mon intestin. Lorsque que je suis tombé, l’aine était perforée, mais l'intestin n’est pas sorti tout de suite. Et c'est seulement à l'hôpital que les médecins ont vu une matière bizarre, c’était l'intestin.


Une fois que tu es à l'hôpital, comment tu gères ça émotionnellement parlant ?


Franchement la crise d’angoisse c’était un des pires moments de ma vie parce que je ne contrôlais rien. J’avais des fourmis partout dans le corps et ça m'a complètement bloqué les mains, les bras, c'est aller jusque dans la tête et je contrôlais plus mon corps, ça c'était vraiment dur. Quand je suis arrivé à l'hôpital, le premier truc que j'ai dit c’est “donnez-moi vite quelque chose”, parce que ça n’allait vraiment pas. On m’a dit de me concentrer sur la respiration et c’est comme ça que j’ai commencé à aller mieux. Pour l’intestin sorti, ils ne me l’ont dit qu’après l'opération. J'avais tellement mal que je voulais me faire opérer le plus vite possible, donc émotionnellement parlant c'était éprouvant. La chose prioritaire pour moi était de savoir pour combien de temps j’en avais. Je me suis fait opérer vers 15h30, donc pendant 5h j’ai bien souffert mais j’étais tout de même sous un calmant. J’ai eu de la chance d’être opéré dans l’après-midi !


En quoi consistait l’opération ?


Ils ont recousu le bout d’intestin sur la paroi abdominale à l'intérieur, et par-dessus, ils m’ont recousu la peau. Je pense que c'est très fragile vu que ce n’est pas une cicatrisation extérieure, à l’inverse des blessures plus classiques que j’ai eu auparavant. C'est vraiment à l'intérieur, c'est fragile et il faut que ça cicatrise vraiment comme il faut, sinon ça va générer une faiblesse que je vais avoir toute ma vie.


Désormais au repos pour au moins 6 semaines, Jeremy Rencurel, 4ème mondial, souhaite prendre le temps et privilégié sa santé. Crédit : @ucibmx


Pour combien de temps es-tu éloigné des pistes ?


Je vais en avoir pour six semaines au minimum sans sport. Trois semaines à faire le minimum de choses, après il faudra être très prudent sur les trois autres semaines. J’y verrai plus clair quand ils auront enlevé les premiers files.

Maintenant, tu es rentré chez toi, comment parviens-tu à garder le moral ?


En rapport à ce qui s'est passé, je me réconforte beaucoup par rapport à ma santé. Ça aurait pu être bien plus grave. La chance que j’ai eue, c’est de n’avoir aucun saignement dans les autres organes autour et donc de ne pas générer d’infection. Mon intestin est entier à l'intérieur donc je dirais que c’est le meilleur scénario possible pour ce que j'ai eu. Dans mon malheur, j’ai eu de la chance. Ce qui compte maintenant, c'est de récupérer, prendre soin de moi. De toute façon c'est la meilleure chose à faire. Je reviendrai quand je reviendrai. Dire que je ne suis pas dégoûté serait mentir. Habituellement, j'ai toujours une motivation sportive, une ligne à suivre pour progresser quand je m'entraîne. Là, ma motivation, c’est juste de bien récupérer et on verra comment la suite va se dérouler.


En 2016, Jeremy Rencurel s'était arrêté en quart de finale après une chute dans le dernier virage. Avec cette blessure, Tokyo semble désormais bien loin pour le jeune homme originaire de l'Île De France.

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Pour être franc et direct, est-ce que c’est terminé pour les jeux Olympiques de Tokyo, qui auront sans doute lieu cet été ?


Sauf un énorme miracle, je pense que pour Tokyo c’est mort. C’est très dur à accepter, car tu t’entraînes chaque jour pour, mais c’est comme ça. La priorité est désormais la santé, car cette blessure a fait tout de même très peur. Puis, il y aura Paris en 2024, je vais tout faire pour y être. Mon objectif, c'est vraiment de pouvoir retrouver le niveau physique que j’avais juste avant de me blesser et d’être en bonne santé.

Quand on est jeune (15-16 ans), on a parfois envie d’y retourner directement après une blessure. Qu’aurais-tu à dire aux jeunes qui se blessent et qui n’ont pas forcément la même patience ?


Je pense qu'il faut prendre le temps. Il faut s'entourer des bonnes personnes et le plus important est de n’avoir aucun regret par la suite, car comme tu l'as dit, ils sont jeunes. Quand t'es jeune, t'as tout le temps. Tu as la vie devant toi et donc pas de “Deadline” à tout prix. À vouloir reprendre trop vite, tu peux perdre encore plus de temps. Certes quand tu es jeune, tu ne comprends pas ces choses-là et forcément avec l'expérience c'est facile à dire, mais prendre le temps, c’est le plus important pour ne pas avoir de regrets. C’est juste du BMX, ça comprend ce que ça comprend, mais ça reste du BMX, et il y a une vie derrière. S’il faut que tu t’arrêtes 2 mois sur toute ta carrière, ce ne sera sûrement que 2 mois sur 10 ans. Si tu veux atteindre tes objectifs, il faut prendre le temps, faire des concessions. C’est dur à comprendre mais c’est la réalité des choses.

L’enjeu est finalement d’accepter de perdre du temps dans le présent pour en gagner dans le futur ?


C'est surtout mesurer l'ampleur et la gravité de ta blessure. Par exemple en 2016, au championnat d'Europe, je me suis luxé l'épaule à un peu moins d'un mois et demi des jeux. Le médecin m’avait dit que l'idéal était de se faire opérer ou de faire une infiltration. Avec la deuxième option, il y avait moyen que je puisse reprendre vite, avec un risque de séquelles par la suite. J’étais plus jeune et on parlait des jeux Olympique, j’ai donc choisi l'infiltration et j’ai pu rouler à Rio. C'était incroyable et je ne regrette pas du tout l'action que j'ai faite, mais depuis, j'ai entretenu des problèmes d'amplitude et je me suis refait mal à l'épaule. En musculation par exemple, je ne peux pas faire certains exercices, qui sont moindres pour le BMX certes, mais c’est toujours frustrant, et c’est une chose que je traîne depuis 2016. Tout ça pour revenir au fait que quand tu n’as pas le choix, il faut patienter pour revenir meilleur.

Pour terminer cet entretien, aurais-tu un message à faire passer à différentes personnes, ou dire quelque chose dont nous n’avons pas parlé ?


Chaque jour, je reçois des messages de soutien qui mettent en avant la santé plutôt que les JO, et c'est cool que les gens comprennent ça. Ça me fait du bien et ça m'encourage encore plus à me concentrer sur ma santé plutôt qu’à revenir sur le vélo le plus vite possible. Un grand merci à tout le monde pour tous les messages qu’on m'a laissés, c'est vraiment gentil ! Je reçois des messages tout le temps, parfois de personnes auxquelles je n’aurais pas pensé. Ça fait plaisir, merci à tous !


Franck Boucher.


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